Sur cette page vous trouverez le texte original en allemand de certains lieder de Mahler ainsi que leur traduction en français. Si vous aimez le genre lieder, et particulièrement ceux de Mahler, je vous conseille vivement l'interprêtation du baryton Dietrich Fischer-Dieskau dont la voix pure et solide se prête parfaitement à un chant tel le magnifique Ich bin der Welt abhangen gekommen sur un texte de Rückert, ou encore le mystique Der Abschied qui clot avec merveille le cycle de chants Das Lied von der Erde. |
A la lumière nocturnale des étoiles, le texte de ce chant larmoyant exprime avec beaucoup de tristesse, le chagrin et le desespoir d'un sujet se plaignant du monde dans lequel il vit, monde injuste et impitoyable. Cette sombre méditation est transposée en sons d'une façon assez remarquable par Mahler, qui parvient à peindre par une musique très sensibilisée l'atmosphère assez noire que nous décrit Rückert. |
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Um Mitternacht hab ich gewacht und aufgeblickt zum Himmel; kein Stern vom Sterngewimmel hat mir gelacht um Mitternacht. Um Mitternacht hab ich gedacht hinaus in dunkle Schranken. Es hat kein Lichtgedanken mir Trost gebracht um Mitternacht. Um Mitternacht nahm ich in Acht die Schlägemeines Herzens; ein einziger Puls des Schmerzes war angefacht um Mitternacht. Um Mitternacht kämpft' ich die Schlacht, o Menschheit, deiner Leiden; nicht konnt ich sie entscheiden mir meiner Macht um Mitternacht. Um Mitternacht hab ich die Macht in deine Hand gegeben ! Herr über Tod und Leben, du hälst die Wacht um Mitternacht ! |
A minuit, réveillé, j'ai regardé le ciel ; parmi les millions d'étoiles, aucune ne m'a souri à minuit. A minuit se tournèrent mes pensées vers les ténèbres closes. Aucune pensée de lumière ne m'a consolé à minuit. A minuit j'ai écouté les battements de mon coeur, et seule une douleur aigüe s'est ranimée à minuit. A minuit j'ai engagé le combat ô humanité, contre tes souffrances; ma force n'a pas suffi à remporter la victoire à minuit. A minuit j'ai remis ma force dans tes mains, Seigneur de vie et de mort, toi qui veilles à minuit ! |
Selon les termes de John Williamson, ce poème est une « peinture étonnamment épurée d'une paix transcendante ». Et c'est bien sur la transcendance de ce monde isolé, paisible et solitaire, inoffensif et tranquille, que Mahler insiste avec une musique extrêmement méditative, bouleversante d'émotions, douée d'une portée quasi métaphysique. La description de cette dimension extra-ordinaire d'un paradis littéralement coupé du monde se fond tout naturellement dans cette suite de sons majestueusement assemblée par le génie créatif de Mahler ; Mahler fait bien plus que transposer des mots en sons, car il y intègre une amplification épique des émotions que délivre le texte de Rückert, surtout dans la partie finale du chant, où « la vision tout entière doit être résumée dans une libération émotionnelle sous les mots 'In meinem Lieben', chantés pianissimo : un sommet d'intensité retenue » (Williamson). Là où l'émotion est à son comble se trouve pourtant à mon avis sur la note instable, fragile et très aigüe et surtout très inattendue jouée pianissimo tout à la fin. Cette note surgit de façon extraordinaire, très doucement, et crée la surprise car on se demande vraiment comment une retenue musicale aussi magique est possible. Cette note trouve pourtant sa place dans la suite logique de la mélodie développée par Mahler, mais on se demande vraiment comment il est possible de l'atteindre tellement elle constitue un sommet émotionnel des plus éloignés... Pour illustrer mes propos, je vous invite à écouter ce petit extrait MP3 qui constitue la toute fin de ce lied où pourrez entendre cette note magique (le texte est arrivé à sa fin, il s'agit de la conclusion instrumentale). |
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Ich bin der Welt abhangen gekommen, mir der ich sonst viele Zeit verdorben, sie hat so lange nichts von mir vernommen, sie mag wohl glauben, ich sei gestorben ! Es ist mir auch gar nichts daran gelegen, ob sie mich für gestorben hält, ich kann auch gar nichts sagen dagegen, denn wirklich bin ich gestorben der Welt. Ich bin gestorben dem Weltgetümmel, und ruh in einem stillen Gebiet. Ich leb allein in meinem Himmel in meinem Lieben, in meinem Lied. |
Me voilà coupé du monde dans lequel je n'ai que trop perdu mon temps; il n'a depuis longtemps plus rien entendu de moi, il peut bien croire que je suis mort ! Et peu importe, à vrai dire, si je passe pour mort à ses yeux. Et je n'ai rien à y redire, car il est vrai que je suis mort au monde. Je suis mort au monde et à son tumulte et je repose dans un coin tranquille. Je vis solitaire dans mon ciel, dans mon amour, dans mon chant. |
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Nun will die Sonn so hell aufgehn, als sei kein Unglück die Nacht geschehn. Das Unglück geschah nur mir allein, die Sonne, sie scheinet allgemein. Du musst nicht in dir verschränken, musst sie ins ewge Licht versenken. Ein Lämplein verlosch in meinem Zeit, Heil sei Freundenlicht der Welt ! |
A présent le soleil radieux va se lever comme si, la nuit, nul malheur n'avait frappé. Le malheur n'a frappé que moi seul, tandis que le soleil brille à la ronde. N'enferme pas la nuit en ton coeur, plonge-là dans la lumière éternelle. Une lampe s'est éteinte en ma demeure, gloire à la lumière, joie du monde ! |
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Nun seh ich wohl, warum so dunkle Flammen ihr sprühtet mir in manchem Augenblicke, o Augen ! Gleichsam, um voll in einem Blicke zu drängen eure ganze Macht zusammen. Doch ahnt' ich nicht, weil Nebel mich umschwammen, gewoben vom verblendenden Geschike, dass sich der Strahl bereits zur Heimkehr schicke, dorthin, von wannen alle Strahlen stammen. Ihr wolltet mir mit eurem Leuchten sagen : Wir möchten nah dir bleiben gerne ! Doch ist uns das vom Schicksal abgeschlagen. Sieh uns nur an, denn bald sind wir dir ferne ! Was dir nur Augen sind in diesen Tagen, in künftgen Nächten sind es dir nur Sterne. |
Je sais bien désormais pourquoi vos yeux lançaient souvent vers moi ces sombres flammes, oh ces yeux ! Comme si, d'un seul regard, vous vouliez concentrer tout votre pouvoir. Je ne pressentais pas, alors enveloppé de brumes tissées par une fatalité aveugle, que leur clarté allait déjà s'en retourner vers ce lieu où toutes les clartés ont leur source. Votre éclat tentait donc de me dire : nous aimerions rester à tes côtés, mais le destin nous l'a refusé. Regarde-nous bien, car nous serons bientôt loin ! Et ces yeux où tu ne perçois rien en ces jours ne seront plus que des étoiles dans ta nuit. |
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Wenn dein Mütterlein tritt zur Tür herein, und den Kopf ich drehe, ihr entgegen sehe, fällt au ihr Gesicht erst der Blick mir nicht, sondern auf die Stelle, näher nach der Schwelle, dort, wo würde dein lieb Gesichtchen sein, wenn du freundenhelle trätest mir herein, wie sonst, mein Töchterlein. Wenn dein Mütterlein tritt zur Tür herein, mit der Kerze Schimmer, ist es mir, als immer, kämst du mit herein, huschtest hinterdrein, als wie sonst ins Zimmer ! O du, des Vaters Zelle, ach, zu schnelle erloschner Freudenschein ! |
Quand ta tendre mère paraît à la porte et que je tourne la tête pour regerder vers elle, mes yeux ne vont pas d'abord vers son visage, mais vers cet endroit, là tout près du seuil, où je devrais voir ton doux petit visage si tu entrais aussi, rayonnante de joie, comme autrefois, ma petite fille. Quand ta tendre mère paraît à la porte, à la lueur de sa bougie, toujours il me semble que tu vas venir aussi, te glissant derrière elle, comme autrefois, dans la pièce. Ô toi, rayon de joie dans la retraite de ton père, ah, rayon de joie trop vite éteint ! |
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Oft denk' ich, sie sind nur ausgegangen ! Bald werden sie wieder nach Hause gelangen ! Der Tag ist schön! O sei nicht bang ! Sie machen nur einen weiten Gang ! Jawohl, sie sind nur ausgegangen Und werden jetzt nach Hause gelangen ! O, sei nicht bang, der Tag is schön ! Sie machen nur den Gang zu jenen Höh'n ! Sie sind uns nur vorausgegangen Und werden nicht wieder nach Haus verlangen ! Wir holen sie ein auf jenen Höh'n Im Sonnenschein ! Der Tag is schön ! |
Souvent je me dis qu'ils sont seulement sortis ! Ils vont bientôt rentrer à la maison ! La journée est belle ! Oh, ne sois pas inquiet ! Ils font seulement une longue promenade. Bien sûr, ils sont seulement sortis et vont maintenant renter à la maison. Oh, ne sois pas inquiet ! La journée est belle ! Ils se promènent seulement jusqu'aux collines. Ils nous ont seulement précédé et ne voudront plus revenir à la maison ! Nous allons les rejoindre, là-haut sur ces collines en plein soleil ! La journée est belle ! |
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In diesem Wetter, in diesem Braus, Nie hätt' ich gesendet die Kinder hinaus ! Man hat sie getragen hinaus, Ich durfte nichts dazu sagen ! In diesem Wetter, in diesem Saus, Nie hätt' ich gelassen die Kinder hinaus, Ich fürchtete sie erkranken; Das sind nun eitle Gedanken, In diesem Wetter, in diesem Graus, Nie hätt' ich gelassen die Kinder hinaus, Ich sorgte, sie stürben morgen; Das ist nun nicht zu besorgen. In diesem Wetter, in diesem Graus, Nie hätt' ich gesendet die Kinder hinaus, Man hat sie hinaus getragen, Ich durfte nichts dazu sagen! In diesem Wetter, in diesem Saus, In diesem Braus, Sie ruh'n als wie in der Mutter Haus, Von keinem Sturm erschrecket, Von Gottes Hand bedecket, Sie ruh'n wie in der Mutter Haus. |
Par ce mauvais temps, cet ouragan, jamais je n'aurais fait sortir les enfants ; on les a emportés au dehors et je n'ai eu le droit de ne rien dire. Par ce mauvais temps, cet ouragan, je n'aurais jamais laissé sortir les enfants, j'aurais eu peur qu'ils tombent malades ; quelles vaines pensées à présent ! Par ce mauvais temps, ce ciel sinistre, je n'aurais jamais laissé sortir les enfants, j'aurais craint qu'ils ne meurent demain, inutile de craindre à présent. Par ce mauvais temps, ce ciel sinistre, je n'aurais jamais laissé sortir les enfants ; on les a emportés au dehors et je n'ai eu le droit de ne rien dire. Par ce mauvais temps, cet ouragan, ce vent qui hurle, ils reposent comme dans le sein de leur mère. Ne redoutant nulle tempête, protégés par la main de Dieu, ils reposent comme dans le sein de leur mère. |